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CACENDR

Crée en 1999, CACENDR est une association qui milite contre le projet d'enfouissement des déchets radioactifs à Bure en Meuse.

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9 juin 2012 6 09 /06 /juin /2012 11:53
Enfouissement : une solidarité qui dépasse les frontières

A l'invitation des antinucléaires allemands et sous l'égide de «Gorleben 365», nous sommes une vingtaine de Françaises et Français à franchir la frontière allemande pour bloquer le site d'enfouissement des déchets radioactifs (les plus dangereux que l'homme ait créés) dans une mine de sel à Gorleben, petit village au nord de l'Allemagne. Pour matérialiser la lutte de la population contre la production et le stockage en grande profondeur de ces mortels produits, un ensemble d'actions surnommées «GORLEBEN 365» a débuté au mois d’août dernier. Le but de cette initiative est de réaliser une action par jour pendant un an et ceci quelle que soit l'action. C'est dans ce cadre que nous avons été invités à un blocage français pendant le week-end de Pâques.

Après plus de 850 kilomètres, nous voici arrivés sur un terrain très dégarni, hormis une forêt d'épicéas qui entoure le site. Dans tous les villages de la région, de grands X peints en jaune symbolisant la lutte ornent de nombreuses maisons à colombages. Des drapeaux antinucléaires flottent aux balcons ou dans les jardins. Malgré un froid de canard, l'accueil est chaleureux. Le repas avalé, nous voici plongés dans le bain. Tous assis autour d'un ensemble de tables positionnées en U, un orateur explique le but de l'action, ses conséquences, la réaction probable des autorités. On aura de nombreuses discussions de ce genre tout au long du WE.

1ère Action, dés l'aube

Dès 7 h le lendemain matin, nous sommes réunis à une centaine de mètres des grilles du site, sur un terrain donné à la résistance par un opposant, où une massive cahute de bois a été construite et sert d’abri (il faut savoir que la législation est différente en matière de propriété. En France nous sommes propriétaires du sol mais pas du sous-sol. En Allemagne, chaque propriétaire possède le sol et le sous-sol et de ce fait, la société exploitant le site de Gorleben ne pourra jamais creuser sous ce terrain). A près avoir pris quelques sacs à pommes de terre remplis de paille pour les utiliser comme sièges, nous voilà répartis devant les six portes pour bloquer l'entrée et la sortie des travailleurs qui permutent entre 8h et 9h. Nous n'étions guère plus d'une trentaine (5 ou 6 par porte), et pourtant on bloquait les 6 portes. Incroyable.

Une demi-heure s'écoule, pendant que le célèbre groupe lorrain de musique antinuc' les «Stop BURE Brothers» passe de porte en porte pour mettre de l'ambiance, alors que la neige nous glace le bout du nez, quand une voiture de police arrive, puis une deuxième, une troisième, puis une estafette, une deuxième, une troisième. Certaines font le tour du site. Derrière un rideau d'arbres, un cortège de voitures attend pour entrer alors que d'autres attendent pour sortir. C'était le changement de poste. Une voiture de police vient à notre rencontre. Un des occupants nous tient un discours en allemand (j'y comprends que dalle) pendant qu'un autre nous filme. Un attroupement se forme à la porte 6. Trois sommations sont faites puis la porte est libérée par les flics qui portent gentiment les bloqueurs un peu plus loin.

Les deux cortèges de voitures se croisent, l'action est terminée, elle aura duré 2 heures. Un café bien chaud nous attend sous la cahute.

2ème réussite, le même soir

Le soir, après l’anniversaire d'une militante âgée de 88 ans (Marianne, Française installée là haut, résistante de la première heure) et son discours enflammé devant la porte 1, la même stratégie que le matin est mise en place à l'exception de la porte 6 où, pour réduire le nombre de bloqueurs, un tripode, sorte de gigantesque trépied de plus 6 mètres de haut, est installé devant des policiers médusés. Un grimpeur s'y suspend et déplie un drapeau. La porte 6 est bloquée par une seule personne, au nez et à la barbe des flics. Balèze.

Pour ma part, emmitouflé dans mon sac de couchage qui me sert de cache-col, je me rends à la porte 3. Je me place face à l'estafette qui bloque l'entrée, histoire de taquiner ces messieurs et de pouvoir me réchauffer les doigts sur le capot de leur moteur pendant que mes partenaires respirent les gaz d'échappement. Puis, après plusieurs dizaines de minutes, je change de porte pour tenter de voir quelque chose derrière les hauts murs de béton surmontés de fil de fer barbelés. Il faut dire que ce lieu est protégé, d'abord par un premier enclos formé par une grille de près de deux kilomètres, puis un chemin goudronné et enfin un mur d'enceinte. Je suis à la porte 5, la sortie des ouvriers semble imminente car l'agitation au sein du lieu commence à se faire sentir. Cela ne se fera pas chez nous, les estafettes ont disparu. Je retourne au point de départ pour espérer voir l'ouverture de la porte 1. Hélas, je n'ai pas été assez rapide…

L'action est terminée.

Le lendemain est une fin de week-end plus calme. Après la grasse matinée du dimanche, seule une conférence-débat sur les énergies renouvelables suivie de la visite d'une éolienne ponctuent l’activité militante. Le soir, un repas festif est organisé dans la salle communautaire du village. Il est animé par nos chers «Stop BURE Brothers», très en forme et à l'aise en allemand, avec en plus une prestation impressionnante aux abords du traditionnel feu de Pâques allemand pour conclure la journée. Un feu gigantesque, un vrai truc de fou.

Alors que Gorleben et Bure sont deux sites similaires ayant pour but d'enfouir les déchets radioactifs les pires, l’un dans le sel, l'autre dans l'argile, on peut constater deux mentalités radicalement différentes. La résistance germanique semble être à fleur de peau, il suffit d'un claquement de doigts pour mobiliser les foules. Celle de la France parait plus diffuse.

Les uns ont compris le danger, alors que les autres sont plus sensibles au développement économique de leur région «sinistrée» et quel meilleur avenir pour leurs enfants que la filière électro-nucléaire? Quant aux policiers, ils nous ont laissés faire ce qu'on voulait sans nous repousser à coups de grenades lacrymogènes. Pendant que j'étais en faction devant la porte 5, j'en ai vu qui répondaient à un chien joueur. Verrons-nous cela un jour devant les grilles de l'ANDRA?

Menvusa Gérard

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